ACCUEIL

 Les Rubriques d'Anny

 

LA BONNE HUMEUR EST DANS LE PRÉ

(Hommage à mon poney Chico)

Je suis née sous l'étoile des animaux. J'ai toujours rêvé d'avoir un cheval. Il est arrivé quand j'ai eu 40 ans. Il s'appelle Chico, né de père de pure race connemara (Calmore Concannon) et de mère d'origine inconnue, nommée Suzie.

Chico II, lui, est alezan brûlé, avec une belle liste sur le chanfrein. Il a de lourds crins frisés qui lui donnent un air gavroche. C'est un double poney futé, affectueux, fainéant au travail, boulimique de vie et d'herbe. C'est le roi de la bonne humeur, le prince du Grand Pré.

C'est l'un de mes meilleurs amis.

Il ne pense qu'à jouer, brouter, faire l'andouille, ouvrir les portes, faire des farces.

Je suis raide dingue de lui.

Ce bouffon des herbes vertes a même trouvé le moyen (Et là, c'est vraiment la grande classe, car, tout foufou qu'il est, Chico est un roi de la Vie) de mourir le même jour que le grand humoriste Roger Pierre, le 24 janvier 2010.

Vous vous demandez pourquoi j'emploie le temps présent pour parler de mon ami ?

C'est délibéré, c'est parce qu'il est à jamais en moi, à jamais dans le Grand Pré, sous le chêne fier qu'il a choisi pour s'en aller galoper au loin.

C'est parce que, aussi, mon chagrin, je l'avoue, est si immense que nulle solution ne s'est présentée à moi pour le maîtriser, sinon, sinon, la solution de devenir l'élève de mon cheval.

Et le Prince du Grand Pré est "le rire", la bonne humeur, l'amour de la vie.

L'humour est l'élégance des grands de ce monde.

Alors j'ai voulu que Chico entre dans cette légende magnifique, afin de transmettre le punch, la dynamique (pour ne pas dire la dynamite de sa jeunesse !!!), la noblesse d'âme qui veut que l'on soit guilleret et plein d'élan, et que l'on affronte les épreuves avec brio.
Comme toi, mon ami, tu as su le faire le 24 janvier .
A toi, mon grand, à jamais.

L' ARRIVÉE
"Je suis arrivé chez mes humains en Charente, il y a environ 14 ans. Je suis né en 1990 et j'ai été élevé du côté de Barbezieux (16), comme l'attestent mes papiers. Ils ont ainsi pu retracer un peu de ma vie. Au centre équestre où ils me montaient, on leur a dit que, pour ne pas être débourré, je me couchais sur le sol, rendant toute tentative impossible.

Ce qui est déjà, en soi, une forme de rebellion.

Toute ma vie, j'ai été un rebelle gentil. Sans doute comme "elle". C'est peut-être pour ça qu'on a fait tandem ensemble ! Quand elle partait en balade avec moi, je ne pensais qu'à grignoter les feuilles des arbres. Puis je rattrapais le groupe des autres chevaux. Autant que je me souvienne, j'ai souvent eu la bouche pleine d'herbe ou de feuilles au lieu de travailler. Le mot "travail" n'a jamais été mon truc.

Pourtant, j'ai de grandes capacités...

Un jour, un van est venu et m'a emmené à Suaux (16), le premier lieu où ces humains (qui m'avait acheté) habitaient. Elle (Annie) suivait derrière, en voiture, et moi je hennissais (alors que je suis toujours silencieux) d'angoisse. Elle m'a dit que ce fut l'un des plus beaux moments de sa vie, que ce trajet de l'"Oxer" à Suaux...

Elle était tout émue. J'étais son premier cheval, pensez donc !!!!! Elle me regardait comme un demi dieu, moi, Chico II, qui n'étais plutôt qu'une vedette de "cirque", un poney effronté et coquin, une canaille de petit cheval blondinet. Je crois qu'elle avait le coup de foudre... Ils appellent ça comme ça, dans leur culture.

Moi, c'est pour leur pré que j'ai eu le coup de foudre. Dès qu'ils m'ont laché dedans, je les ai regardés, j'ai regardé l'étendue d'herbe au loin, je les ai regardés de nouveau, puis je suis parti au grand trot, ivre de verdure et de liberté. Nous, chevaux de boxes, n'avons pas la vie de vrais équidés. Les hommes nous formatent à leur façon. Nous sommes faits pour les troupeaux et les migrations en quête d'herbe, comme tous les herbivores dignes de ce nom. Oh, nous ne sommes pas malheureux, mais quand même, dans l'absolu, nous sommes devenus leurs serviteurs, et hélas, parfois, leurs martyrs.... Je n'ai jamais été maltraité, j'ai eu énormément de chance dans ma vie.Ce qui est loin d'être le cas des chevaux de boucherie, par exemple

(NE MANGEZ JAMAIS DE VIANDE DE CHEVAL !!!)

Mais là, ces humains m'offraient le bonheur !!!!

MES PREMIERES FRASQUES
Dès le début, je me suis affirmé. Ah ah ah , n'est pas Chico qui veut ! Elle m'est monté dessus, la folle, et a voulu que je démarre. Or, je ne voulais pas. J'étais dans un nouvel endroit, avec des inconnus, me faut du temps pour "imprimer" ces détails-là. Nan, je bouge pas.

Héhéhé. Elle m'a donné un ti coup de cravache, tout petit (je pense qu'elle avait une sacrée trouille, je fais mes 400 kg, malgré qu'elle soit cavalière).. Et hop là, je te l'ai expédiée dans l'herbe toute verte.

Elle est remontée, on est partis sur la route pour se décontracter et, là, pour la décontracter bien comme il faut, je l'ai foutue sur le goudron.

Comme début, j'ai frappé un peu fort : j'étais jeunot à l'époque, vite intimidé, et très rebelle. Du coup, elle est restée trois semaines sans me monter.

Ensuite, elle a réussi à m'apprivoiser de nouveau, mais avec tact et une persévérance digne de ce nom. Elle me faisait sauter de petits obstacles mais jamais plus de cinq, car elle savait qu'alors je partais en "coups de cul"... Dès qu'elle sentait que j'avais une folle envie de m'amuser -je suis né pour m'amuser et brouter-, elle disait : "Bon, au pas, Chico, on a assez bossé pour aujourd'hui". Tu parles !!!! J'avais pas foutu grand chose ! C'est malin, des fois, un humain, ca s'invente des idées toutes prêtes.

Je crois bien qu'elle était la seule à avoir envie de me monter. Alors que tout le monde s'empressait d'enfourcher ma grande copine trotteuse, Cétoune, plus travailleuse et moins lunatique que moué.

En balade, je prenais mon temps et elle adorait le moment où elle regardait mes petite oreilles rousses et poilues et me disait :"On rattrape, Chico, on rattrape".

RAIDS D'ENDURANCE
Un de ses souvenirs les plus marquants fut la compétition d'endurance avec moi et Cétoune (la jument du compagnon de l'époque). Ils ont fait quelques raids, 20 à 25 kms si je me souviens bien, aux trois allures : pas, trot, galop ; avec surveillance vétérinaire pour nos coeurs et nos poumons. J'étais extrêmement doué. Pendant que les autres chevaux obéissaient bien à leurs cavaliers, moi je fanfaronnais pendant tout le raid. J'adorais faire l'andouille. Je lui ai ainsi fait faire tout un raid en ruades effrontées. Non seulement le galop ne me fatiguait pas, mais j'en rajoutais encore une couche entre les arbres : elle voyait défiler les troncs à toute allure avant que je ne me décide à rejoindre ma copine bien sage plus loin.

Je me rappelle même l'avoir entendue claquer des dents de peur :si ,si, ça existe vraiement,les dents qui claquent quand on a une trouille pas possible.

J'étais très bien noté niveau cardiaque, bon score, malgré toutes mes sottises, j'étais doué. Mais voilà, je n'aimais pas obéir. J'aime la vie libre.

Une autre fois, je suis parti avec cette pauvrette sur mon dos, dans un champ de hauts maïs, au galop, pendant que Cétoune trottinait sagement sur le chemin avec son cavalier. Oh !! punaise, la marrade !!! On voyait de loin sa bombe émerger toutes les secondes des plants, selon le rythme de mes ruades.

Et le coup de l'âne du Poitou !!!! Hiiiii je m'en souviens encore ! On était en promenade dominicale (héhéhé, "promenade", le mot est fort....), et soudain, face à nous, derrière une clôture, un truc infâme, avec des oreilles en gratte ciel, qui s'est mis à lancer un cri de sirène d'usine : HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII HIIII...puis, quelques secondes après HOOOOOOOOOOO HAAANNNNNNNNN........................

Une apocalype de hennissement, comment un équidé peut il émettre un vrombissement aussi terrifiant ???? D'ailleurs, ca s'appelle "braire". Moi, je hennis doucement, mais mon confrère me mit en transe. Ma cavalière me sentit trembler des paturons jusqu'aux oreilles... Je suis resté raide figé sur place durant de longues secondes, à me demander ce que c'était que ce machin poilu hurlant....

LE COUP DES CHASSEURS
Je vais vous raconter un de mes exploits mais, avant, faut quand même que je vous raconte une de mes meilleurs farces, une des plus réussies : j'en ris encore, du haut de mes prairies célestes !!!!!!

Lui (le compagnon de l'époque) aussi voulut me monter, un jour de pure folie, en balade. Un ami montait la jument, "lui" m'enfourchait, et elle suivait derrière sur un vélo obéissant et calme, comme peut l'être un vélo.

Elle lui avait conseillé : "Tu ne prends pas le galop, il te virerait pour te tester". Lui, comme tout bon mâle qui se respecte, voulut prendre cette allure à trois temps : grand bien lui prit !!! Il croyait qu'il était trop lourd pour moi : que nenni !!! je lui fis faire un soleil à l'envers dès la première seconde, et il se retrouva à mes sabots, tenant encore les rênes !!! L'air stupide, comme tous les humains que je virais. Remarquez, il m'a mis une belle claque tant il était énervé !

Hohoho que j'ai pu rigolé ! Mais faut jamais leur montrer qu'on se marre, faut toujours garder l'air digne et surpris !!!! Du genre : "Oh, je suis désolé, je ne voulais pas...."..

On est rentrés au pas à la maison.

Mais le jour où j'ai terrorisé deux chasseurs et deux chiens de chasse fut aussi mémorable !!!!

Mes humains sont membres de la Ligue pour La Protection des Oiseaux et donc refuge LPO. Ce qui signifie qu'on ne chasse pas dans mon pré bordé de haies épineuses et touffues par endroits. Or, ce jour-là, je suis arrivé au petit galop pour voir qui osait venir chez moi, sur mon herbe verte. Je suis curieux de nature, il faut que je vois tout ce qui se passe autour de moi.

Je n'ai pas l'air méchant avec ma crinière au vent, du tout. Eh ben, ils ont cru que je leur en voulais à mort et que je les chargeais comme un taureau en colère !!!! Ils se sont mis à courir devant moi, qui voulais juste leur dire un bonjour sympa et voir s'ils n'avaient pas un "ti queque chose" à grignoter dans leurs tenues de camouflage. Les deux chiens roux et blancs les ont suivis et comme il n'y avait pas d'autre issue et que la trouille donne des ailes, c'est bien connu, ils sont rentrés droit dans la haie piquante pour me fuir, moi et mes crins bondissants, et mes yeux effrontés !!!! Tout le monde dans les épineux, les hommes, les fusils, et les chiens !!!!!!!

Bon sang, moi, Chico, double poney connemara, je mettais en fuite deux chasseurs assoiffés de sang de perdrix !!!!!! Mes humains m'ont vu faire de la maison au loin, et ont pris un fou rire royal, eux qui étaient ravis de mon attitude !!!! Je suis le meilleur des panneaux anti-chasse du monde !!!!!!

Je me suis beaucoup amusé dans toute ma vie, qui a duré vingt ans, ce qui n'est pas un âge vénérable pour un petit cheval blond, mais qui représente une durée honorable tout-de-même !!!!

Je n'étais pas à ma place dans un club d'Equitation. Mon royaume était les prés. Je suis un fou d'amour des herbes folles, des fleurs sauvages, des branches qui me grattent le dos à la saison des mouches."

JE REPRENDS LA PLUME
"Elle" reprend la plume pour "me" raconter :

"Les années ont passé vite. Chico, tu es devenu un grand poney plus sage, plus calme, plus gros aussi. J'ai eu toujours beaucoup de mal pour t'empêcher de t'empiffrer d'herbe. Tu es un goinfre de vie, un boulimique de petits bonheurs simples. Tu es mon professeur de philosophie et d'une forme de sagesse souvent oubliée des animaux humains.

Il y eu une longue période de sécheresse à la fin de l'été 2009. Suivie d'un brusque changement de température. Le climat change, Chico, tu as sans doute vécu les meilleures années sur la Terre, car tout va devenir de plus en plus difficile à cause de la cupidité humaine. A chaque excès de chaud, de froid ou d'humidité, un de mes animaux a des gros problèmes de santé. Ce doit être pareil dans la nature sauvage, je présume.

Tu te mis à perdre du poids. Je mis cela sur le compte de l'âge. Cétoune et toi aviez vingt ans ou presque. Un vétérinaire vint te limer les dents pour que tu mâches mieux tes aliments. Tu étais bien suivi au niveau santé. Les semaines passèrent mais tu ne grossissais pas.

Un jour, peu avant Noël, je fis revenir un vétérinaire, car tu n'allais pas bien. Il crut que ton coeur était malade. Mais vous, les poneys gourmands, souffrez souvent d'adiposité, cela fausse sans doute les examens. Durant une semaine, le brave homme, après moult recherches, te fit des intra-veineuses pour le muscle cardiaque.

Et c'est là que je compris que tout a un temps et qu'il faut profiter, profiter du moindre bonheur,et se forger une âme du tonnerre, si on veut garder sa sensibilité légère tout en affrontant les dures épreuves de toute vie.

Deux autres vétos revinrent, dont un spécialisé dans le domaine équin, et une échographie fit tomber le bon diagnostic, qui n'était pas celui que je pensais (je pensais à une douve du foie) : pleuro-pneumonie.

J'étais dans le box avec toi et l'homme de science et je me suis penchée sur tes doux naseaux pour pleurer. "Il a une chance sur cinq de s'en sortir".

Tu ne comprennais pas nos paroles. Tu étais devenu si doux, affectueux. Tu l'as toujours été, mon tendre ami, malgré tes cavalcades équestres, mais une complicité sans pareille s'établit alors entre nous deux, car, inconsciemment, nous savions que le temps nous était compté à présent

J'ai eu l'extrême, l'immense bonheur, d'être l'amie d'un petit cheval blond.

Alors, tu eus droit à plein de gâteries, il n'était plus question d'un quelconque régime. Des kilos de carottes, du pain sec, des pommes étaient la seule nourriture que tu étais capable d'avaler. Toi, le morfale, tu avais du mal à manger.

Cela dura six semaines, et chaque jour, je te faisais des piqures d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires, au gré des ordonnances et des visites vétérinaires qui furent très nombreuses. Tu eus droit à de l'homéopathie, à des essences aromatiques et naturelles, et je t'achetais même, pour stimuler ton appétit, du "winner", mélange céréalier broyé si apprécié des chevaux de compétition.

TA COPINE CETOUNE
Elle t'aidait de son mieux, à "la cheval". C'est-à-dire en restant elle-même. Par-dessus le mur qui sépare les deux boxes, Mademoiselle passait sa grande encolure, roulait des yeux blancs et essayait d'attraper le pain sec que je te donnais à la main. Ce n'était pas d'une élégance folle pour une grande dame, mais elle profita un maximum de cette période géniale où vous fûtes gâtés comme jamais...

Elle n'eut jamais d'entorse cervicale, sa jalousie lui servit de protection sans doute !!! Et j'étais heureuse, cela te stimulait. Debout entre vous deux, parfois jusqu'à 23 heures, au milieu de l'écurie fermée, habillée comme une inuit car l'hiver était absolument atroce, je sentais la vie palpiter en moi ; je crois bien que j'étais formidablement heureuse de pouvoir vivre cette fin entre vos naseaux, vous aimant, vous sentant, devenant comme vous, partie intégrante du monde , oubliant toutes les folies humaines pour n'être plus que poil, respir, intuition, instinct, simplicité pure et sagesse animale.

Quand, le matin, tu ouvrais avec violence le volet de ton box et que je manquais de le recevoir en pleine figure, je jubilais !!! Mon clown était donc encore en vie un matin de plus !!! Mon clown allait me donner vie, me donner force, me donner philosophie.

Quand je te voyais fatigué ou un peu souffrant, refusant de grignoter dans ma main, je levais le poing et je te disais : "ON SE BAT. Que Madame Nature fasse ce qu'elle veut, mais on ne rendra pas les armes sans combattre. Tu peux le faire, tu es un cheval fort, tu peux le faire !!!!" Et je me mettais à danser dans ton box, et je chantais à tue-tête la chanson de Baloo : "Il en faut peu pour être heureux" et "Singing in the rain", va savoir pourquoi. Nous étions des "winner", des gagnants, des battants. "

J'ENTREVOIS LES GRANDES PRAIRIES SAUVAGES ET LIBRES
"Moi, Chico, je tins bon ainsi durant six longues semaines à me battre contre la maladie, soutenu par Cétoune et ce petit bout de femme acharné qui ne voulait pas me voir partir sans se battre. Les vétérinaires disaient que j'aurais dû mourir déjà.

On lui proposa de m'emmener à l'hôpital pour chevaux. Pour me faire des choses dures mais qui me guériraient peut-être, mais les chances étaient si minimes qu'elle refusa. Ce n'est pas le prix qui l'arrêta : elle avait déjà dépensé une vraie fortune pour essayer de me sauver. Mais elle me dit, un soir, entre mes deux oreilles : "s'ils t'emmènent et que tu meurs, loin de nous, avec des tuyaux dans le ventre, tout le monde sera très malheureux. Si tu veux, je peux apaiser tes souffrances, je peux appeler le véto quand tu veux. Mais tu peux aussi bien rester ici, et aller finir dans le pré. Mais si tu veux guérir, je serai la plus heureuse des femmes. Nous ne décidons pas, nous nous battons, et le reste ne nous appartient pas. Mon fils (elle m'appelait "mon fils" souvent....), qu'en penses-tu, dis moi ce que je dois faire ...."

Alors moi, je la regardais entre ma crinière, de mes grands yeux bruns, et j'y faisais passer toute la grande amitié innocente que j'avais pour elle. Et je lui rêvais des prés infinis, des forêts où se perdent les connemaras, mes ancêtres venus de la rude Irlande ; je lui envoyais des parfums de landes, des images de cieux qui se transforment, d'ères qui se fondent, d'univers qui se créent et se déploient à l'infini. Moi je pressentais ce qui était et j'essayais de lui donner force. Je la voyais si malheureuse à l'idée de me perdre ! J'ai, comme tout connemara, du sang arabe et du sang irlandais dans mes veines. Je suis né de l'alliance de deux extrêmes. Je suis fort."

LE CHÊNE COMPLICE
Il y eut un beau matin de dimanche. Tu es sorti de ton box pour suivre, à petits pas, ta copine. Le chien Wooky, colley, ton pote de jeu, savait depuis plusieurs mois qu'il ne devait plus te poursuivre au grand galop dans le pré. Et toi, tu ne le coursais plus non plus. Ton coach, donc, te regardait partir dans le calme car ce chien est si intelligent !!!!

Tu étais très fatigué. Tu as pris le soleil et tu avais ta couverture, comme durant les longs jours blancs de neige. Je voulus aller te caresser. Tu refusas et tu t'éloignas.

Je me suis dit :"Il a envie d'être tranquille, il sait ce qu'il fait" et je suis aller vaquer à mes occupations. Je n'avais pas vraiment compris, je ne voulais pas non plus comprendre. Quand je suis revenue peu de temps après, je te cherchais. Ton corps était allongé au sol sous le grand chêne.

Alors je me suis mise à courir comme une folle, comme une folle... et puis j'ai pris ta belle tête dans mes mains sur mon coeur dans mon être par mes poumons mes pores et tout mon être et je suis partie en lambeaux et le monde entier a entendu mon hurlement qui est monté dans les branches du grand chêne qui te surplombait et qui te cachait et qui t'aimait et j'ai hurlé j'ai hurlé j'ai hurlé..............

TU ES MORT DEBOUT MON PRINCE DES PRÉS

Je n'ai pas eu besoin d'abréger tes souffrances. Tu es parti seul, sous le grand chêne et c'est probablement là que Madame la Mort est venu te chercher. Elle a eu la grande bienveillance de te prendre avec le plus de dignité possible. Nous ne voulions pas d'une mort terrible où tu t'étoufferais, où les quantités de cortisone devraient être triplées. Nous nous étions promis la dignité.

Je pense même et j'ose espérer que tu t'es envolé debout, comme un roi connemara, comme un merveilleux petit poney alezan. Et que c'est la mort qui t'a couché sur les racines enterrées du chêne ami. L'arbre majestueux est devenu ton arbre. On dit "le chêne de Chico", "le pré de Chico", à présent.

JE T'AI VU ALORS
Tandis que je restais contre ton grand corps étendu, je t'ai revu, droit, debout, fier, devant moi. J'ai eu cette vision qui m'a ébranlée car je savais absolument, absolument que tu me regardais. Tu n'étais pas transparent mais tu n'étais pas de matière non plus. Ton air était toujours aussi innocent et j'ai su que c'était bien toi que je voyais dans l'au-delà mystérieux.

Pendant trois jours je t'ai vu et revu. Puis, tu t'es mis à galoper au-dessus des grands chênes de la haie, tu étais au sommet des arbres. Tu courrais, tu courrais comme je ne t'avais jamais vu ni courir, ni sauter.

Tu as eu la plus belle fin pour un cheval, tu es mort dans l'herbe, libre.

Mon petit cheval est mort debout et il me reste sa grande leçon à transmettre à mes ami(e)s. Mon roi connemara s'en est allé et je porte en moi sa force et sa dignité, son humour inébranlable et son courage à toute épreuve. Jamais une plainte n'est sorti de toi durant ces six semaines fatidiques.

Quand l'éleveur voisin est venu avec son tracteur enlever ton corps, tu m'as "dis" : "N'aies crainte, je ne l'habite plus à présent". La jument avait longtemps tourné autour de toi, te cherchant, te reniflant. Les deux matins qui ont suivi ton départ, Cétoune, la vieille Cétoune si belle, ma divine, allait droit au chêne pour te voir, se demander pourquoi tu ne te relevais pas. Et elle broutait à proximité.

Et je pleurais de la voir si désemparée, ma grande, grande dame, Cétoune de Chenut...

Et quand le tracteur déposa ton corps sur le chemin pour que le camion puisse l'emmener le lendemain, le chien renifla, lécha, et te dit adieu. Il mit sa patte sur mon bras comme pour me dire : "Je suis là, moi" et me fit aussi pleurer toutes les larmes de mon coeur et de mon corps.

Vous , les animaux, avez parfois de ces façons si belles et si dignes de dire vos sentiments !!!!!! Merci mes amis !!!!!!!

Je regardais peu le camion de l'équarisseur. Mais je sus que je tins promesse : j'ai toujours été là pour toi. Un jour, alors que je pleurais dans "notre" pré, tu es venu me lécher et me consoler. Alors, à mon tour, Chico, mon fidèle ami, je t'ai rendu la pareille ; ca a été à la vie à la mort entre nous deux...

UNE PROMESSE FUT FAITE
Sur ton corps encore chaud, Chico, j'ai promis que je sauverai un cheval de l'abattoir. J'ai su que ce serait la seule et unique façon de me sortir du chagrin de ne plus te voir. Cela m'a hantée pendant des jours et des jours.

Cétoune est restée seule et malheureuse, tournant en rond, pendant un mois.

Pendant ce temps, je cherchais sur tous les sites de sauvetage des chevaux un nouvel ami à adopter. Je voulais un petit cheval facile à vivre, qui mériterait une retraite tranquille et heureuse. Je faillis craquer sur Cathy, une belle trotteuse, mais je dûs attendre un message de Cheval-Espoir.

Un matin, sur mon ordinateur, la photo de Régina des Girards s'afficha. Je sus de suite que c'était elle.

Récupérée de justesse car elle allait partir en Italie pour se faire manger, elle transita par une association végétarienne belge, puis Cheval Espoir la plaça en famille d'accueil à 60 kms de chez nous, de ton pré, Chico.

Elle a travaillé toute sa vie pour les humains, porté des gamins sur son dos, tiré des charrettes, pouliné, que sais-je. Puis sa dernière famille l'a engraissée à mort pour la vendre à la boucherie !!!

Je remercie ici tous les bénévoles qui ont sauvé Régina et qui sauvent, chaque jour, à leurs frais, prenant de leur temps libre, des milliers de chevaux. De la maltraitance ou de l'abattoir.

Je suis devenue végétarienne, tu vois, Chico, depuis pas mal de temps déjà, ayant trop vu la souffrance animale.

Je veux te faire honneur, à toi qui n'a jamais fait de mal sur la Terre.

REGINA DES GIRARDS
Cétoune et Régina, la petite ponette fjord isabelle, couleur sable, de 27 ans, ont fait connaissance SOUS LE GRAND CHENE QUI T'A VU MOURIR.... Etonnant hasard ??? Et alors, pendant qu'elles se reniflaient, jour de joie, toi, mon garçon, je t'ai revu, debout, derrière elles.

Vision fugitive ou rêverie ? Je crois fermement que tu étais là, qu'une part de toi était là. Un assemblage de molécules, de formes pensées qui étaient toi, ton corps , ton âme , ton esprit frondeur et libre. Tu as présidé au sauvetage de la petite ponette qui a pris ton box.

CHICO, mon cheval, mon ami, je tiens à me souvenir toute ma vie des leçons que tu m'a données. Je veux faire du temps qu'il me restera quelque chose de beau, de gai, de ludique, de noble, à ton image.

Il y a, dans ma tête, un petit cheval blond qui galope toujours et lorsque j'ai de la peine, deux grands yeux innocents me regardent et me disent : "Viens voir comme le pré est beau aujourd'hui".

Alors je m'en vais voir Cétoune et Régina, Wooky et Chouquette sur mes talons, et un grand chêne ami me tend les bras. Car je vis entourée d'amis.

Et le "Pré de Chico" nous donnera, au printemps, ses merveilleux boutons d'or.

Je sais Chico, que tu les regarderas avec nous, de là ou tu es...

C'EST UN PEU LONG
Je sais que cet article est un peu long, mais il est toute ma vie, tout ce que je suis devenue. Il vous donne les clés pour une vie meilleure, plus authentique, plus vraie. Prenez ces clés et ouvrez la porte du monde merveilleux qui vous entoure. Et si vous doutez, alors , écoutez bien. Vous entendez ce roulement dans le pré ? C'est un galop. Le galop d'un courageux petit cheval qui a su mourir debout

Anny et Chico pour l'éternité.


INFOR-VEGETARISME A.S.B.L.
Avenue de l'Araucaria, 109 A
1020 BRUXELLES
Tel. : (00 32) 476 961 374

ET :

Association CHEVAL ESPOIR
15 rue de la 1ère Armée
67730 CHATENOIS
Tel : 06.70.82.35.41 / 06.88.74.28.73
E-mail : chevespoir@estvideo.fr
site : http://cheval-espoir.kazeo.com